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LE BLOG DE FANFG
3 novembre 2008

ARTENTION LA METHODE COMBAS

La méthode  COMBAS

Propos recueillis par Françoise Monnin le 17 07 2008

« La vie c'est changer, on change de voiture, on change de femme, on change de chaussettes, on change de slip. Alors on doit changer souvent de peinture, de dessin, d'idée, un jour appliqué, le lendemain indiscipliné, du bien fait, du mal fait, du soi-même » : depuis trente ans, Robert Combas travaille en indépendant et pense en liberté.

« Je ne suis pas en forme », prévient Combas en ouvrant sa porte, à Ivry-sur-Seine. « J’ai cinquante ans, il faudrait que je me mette à faire du sport » ! Une soirée trop arrosée à la vodka la veille, l’installation de la climatisation dans l’atelier qui se passe mal, un déménagement en cours pour un nouvel atelier aux Lilas, deux expositions récemment inaugurées, l’une, en Arles, l’autre, en Corée, ouf ! Un verre d’absinthe pour remettre les idées en place, et en route pour la conversation.

FM : Pour être un artiste reconnu, il faut une énergie particulière ?

R. COMBAS : Je me suis faufilé dans l’art contemporain, où il ne se passait rien

C’est clair et net. Moi je suis un homme moyen de partout. Ni laid, ni beau, de taille moyenne, etc. Mais moyen + moyen = beaucoup de moyens. Quand on m’a donné les moyens (j’avais tout raté à l’école, même le brevet. Mais comme j’étais aux beaux-arts municipaux de Sète depuis l’âge de 9 ans, mon père s’est battu pour que l’on ne m’oriente pas apprenti chaudronnier et pour que je continue les beaux-arts), je me suis défoncé. Mes parents avaient eu une vision, mystique : j’étais destiné à être artiste. Mon père était un cadre du Parti Communiste qui s’est retrouvé au chômage à 45 ans avec six gosses. Il défendait la culture. Enfant pourtant, je ne faisais pas de beaux dessins. J’avais un frère qui lui dessinait très bien, mais il n’a pas pu aller loin, à cause d’une mauvaise santé.

Moi, j’étais un branleur de première qualité ; ce que Fellini appelle un « vitelloni », un fils de pauvre qui a envie de rien branler. Il faut trouver le truc. J’étais un artiste au sens de poète, anarchiste, voulant faire tout ce que l’on n’a pas le droit de faire. En gros, c’est ça. Aux beaux-arts, j’ai eu une totale liberté. Du coup, j’ai travaillé beaucoup, j’ai accéléré. Je me suis faufilé dans l’art contemporain, où il ne se passait rien. Puis je me suis fait réformer, parce que je n’avais pas un an à perdre à l’armée, et je suis monté à Paris, en 1980. J’ai décidé de mettre toute mon énergie à faire tout ce qui ne se faisait pas. Et je n’ai fait que ça. Épuisant pour les gens avec lesquels je vivais ! Je peux rester très longtemps assis sur un canapé, et puis à un moment je fais cent toiles (sur le thème de la musique cette année par exemple) ; ça sort comme ça, un commencement d’une série qui ne continue jamais. Toutes mes toiles ressemblent à des débuts.

Il faut aussi une bonne galerie ? Quand la crise des années 90 est arrivée, les grands marchands m’ont lâché et depuis six ans, j’ai à nouveau une galerie privée qui m’aide, qui garde des toiles tout en m’assistant financièrement. J’avais commencé chez Lambert puis chez Nahon, pendant le boom des années 80. Yvon Lambert aimait vraiment l’art et il m’a emmené voir des expositions, dans les musées, au Louvre souvent. C’était l’époque où il vendait des bons petits tableaux pas chers. Mais quand la crise des années 90 est arrivée, les grands marchands m’ont lâché. Leurs galeries ont alors été subventionnées par l’état français. Mais cet argent n’est pas allé aux artistes. Moi, je n’ai jamais eu de compte en Suisse. J’aurais aimé alors qu’on me téléphone pour savoir si j’avais besoin d’argent. Mais personne n’est venu me voir pendant dix ans, alors que mon atelier était juste à côté de Beaubourg. J’ai trouvé des galeries plus petites, moins crédibles, qui ne m’achetaient rien. J’ai ramé, jusqu’à ce que je rencontre, en 2002, le Belge Guy Peeters, qui m’a donné les moyens, enfin, de travailler à nouveau. Depuis, mes expositions sont de qualité et remportent un certain succès. Je me sens soutenu. Parce que je travaille avec Guy Peeters, à présent on me respecte davantage, on sait que je suis protégé par un galeriste puissant. C’est assez passionnel.

Il faut aussi des relations dans les institutions ?

Le seul moyen de sauver tout ça, c’est de donner un statut à part à la peinture en France, de la défendre. Depuis que César est mort, l’état cherche de nouveaux artistes populaires. Du coup, on commence à venir me voir. Mais il y a quatre ou cinq ans encore, je n’avais pas de vrais amis dans le « milieu de l’art ». De temps en temps, on m’a fait des faveurs, c’est tout. Je ne critique pas les réseaux, mais ils exagèrent. Le ministère de la culture et les musées emploient un personnel du feu de Dieu mais manque d’efficacité. Personne ne vient visiter les ateliers. Je ne comprends pas qu’on n’oblige pas les décideurs à venir dans les ateliers. Ils ont la flemme et ils n’en ont rien à foutre. Ils pensent que, dans les ateliers, il n’y a que de la merde. Ils attendent que cette merde soit accrochée sur les murs des galeries et chez les collectionneurs pour commencer à trouver qu’elle sent bon. Le service public français a essayé de faire quelques trucs à l’étranger, en mélangeant des peintures avec des installations et des vidéos, mais bof. Il faisait un petit catalogue, m’en offrait royalement un seul exemplaire, on n’en parlait pas en France ; pendant que les Américains diffusaient largement de gros pavés, et promenaient des expositions dans le monde entier, uniquement avec de la peinture. Le seul moyen de sauver tout ça, c’est de donner un statut à part à la peinture en France, de la défendre. La plupart des artistes français sont devenus des plasticiens pratiquant le multimédia. Ils viennent de tous les horizons, utilisent la technologie et sont souvent de ce fait subventionnés. Ils sont tellement nombreux qu’on se croirait à Los Angeles ! Or ici nous n’avons pas les moyens de faire vivre autant d’artistes. Il y a une mode, ok. De là à ringardiser la peinture… Résultat, les peintres rament. Quand je vois par exemple Vincent Corpet, avec des milliers de toiles qui ne sortent pas de chez lui, je ne trouve pas ça normal. Autre exemple navrant : je fais des livres, ils se vendent bien s’épuisent, et les maisons d’éditions ne les rééditent pas car elles ont eu une subvention pour la première édition et n’en auront pas pour la seconde. Elles vivent des subventions.

                     Vincent_Corpet Vincent Corpet

Comment s’organise la reconnaissance d’un artiste ?

Lorsque les Américains sont arrivés en France, tout le monde est devenu amnésique. Il n’y a pas de politique chez les galeristes français pour que leurs artistes soient reconnus à l’étranger. On montre ici des artistes d’ailleurs, mais ailleurs on ne nous impose pas ailleurs. Lambert par exemple demandait très gentiment à Iléana Sonnabend si elle voulait exposer Combas à New York, elle répondait « peut-être » et l’on en restait là. Il n’y avait pas un échange minimum. Protectionnisme américain oblige. De 1980 à 1982, le grand marchand allemand Bischofberger m’a acheté des toiles. En 1982 ça a été terminé, les toiles de Basquiat étaient arrivées. Même chose pour Di Rosa, relégué pour Scharf. Alors que, objectivement, regardez les toiles : les Di Rosa tiennent autant la route, voir mieux, que les Scharf. Lorsque les Américains sont arrivés en France, tout le monde est devenu amnésique, même les gens qui aimaient mon travail. En 1984, le musée d’art moderne de la ville de Paris a exposé quatre Français et quatre Américains. L’exposition devait aller à New York. Et puis rien. Rien à foutre. Di Rosa a invité les artistes américains à Sète. Nous avions besoin d’aide, mais rien. Les Américains, eux, avaient des plans de carrière, construits pas des grands marchands comme Tony Shafrazi. Ça m’a foutu les boules. Il aurait fallu que j’aille à New York, que j’apprenne l’Anglais. Mais j’avais pas envie de faire l’Américain.

   basquiat_jean_michel J.Michel BASQUIAT

Votre œuvre ne correspond pas aux critères de la mode internationale. Vous persistez toutefois à penser que l’art contemporain peut être humain, joyeux et populaire. Erreur ?

On mélange tout et l’on trouve Combas ! La peinture est un peu élitiste. Quand elle est populaire, elle sent un peu mauvais. Si on embrasse une de mes toiles en y laissant une trace de rouge à lèvres, je ne flippe pas. Je ne sacralise pas moins pour autant mes tableaux. Je flippe, mais à demi seulement. Je suis humain. Le Dadaïsme, l'Art Brut, l'Art Nègre, celui des peintres publicistes naïfs d'Haïti, d'Afrique, d'Amérique du Sud, de Jamaïque, l'Art naïf, l'Art pauvre, le Rock and roll, la Rock Culture, l'Art des Inadaptés, Picasso, l'Expressionnisme, l'Impressionnisme, la B.D. On mélange tout et l’on trouve Combas, figuratif parce que je vis dans un monde de réalités. Je trouve par contre que le message de mes peintures est complètement abstrait, c'est un mélange d'images, de couleurs, de fausses écritures asiatiques, arabes, sud-américaines, un essai de langage universel.

   

la_lune_soleil__robert_Combas "La lune et le soleil" Robert COMBAS

ROLLER___Robert_Combas "Roller" R.Combas

Robert_Combas__Marylin "Marylin" R. Combas

Pour vous l’artiste demeure un travailleur. Deuxième erreur ?

Moi j’ai besoin de travailler, sinon, je me sens malhonnête. Tous les grands artistes dits importants de ces dernières années ne sont pas des travailleurs. Ils font du sous Marcel Duchamp, en quelque sorte. Moi j’ai besoin de travailler, sinon, je me sens malhonnête. Ma peinture est sympathos, mais très physique. Les artistes qui marchent à l’international, Jeff Koons ou Jan Fabre, se dotent de très grosses structures, de bureaux où des employés bossent pour eux par dizaines. Pas pour créer des œuvres mais pour gérer des événements, pour formuler de la communication. Résultat : ils sont dans tous les livres internationaux sur l’art contemporain. Ce n’est pas le cas des artistes français vivants ; hormis quelques pseudo intellectuels comme Sophie Calle ou Daniel Buren, qui développent une froideur à faire peur. Pas de poésie, rien… Mais une force de persuasion incroyable, même vis-à-vis des gens qui ne comprennent pas ! L’époque est au lisse. Tout ce qui est lisse, en aplat et Cie, c’est facile à reproduire, à faire reproduire par d’autres. Cela permet d’avoir au même moment plusieurs fois la même exposition dans le monde. Dans le genre, je mets Jean-Pierre Raynaud à part, parce qu’il est barge total, il n’a besoin de rien prendre pour être barré… Taré complètement, dans le sens de complètement artiste. Il pourrait se suicider en se coupant une oreille. Moi je ne me couperai jamais une oreille.

flower__jeff_koons "Flower" Jeff Koons

cercueil_paon___scarab_e__jann_fabre "cercueil paon scarabée" Jann Fabre

Fiction4_Sophie_Calle "Fiction" Sophie Calle

peinture__mail_sur_toile_coton_1965_daniel_buren Daniel Buren 1965

jean_pierre_Raynaud Jean Pierre Raynaud

Avoir peur de l’argent, troisième erreur ?

J’ai honte de mes prix, mais ils sont normaux vis-à-vis du marché. Ça fait vingt ans que je me bats pour que ma peinture ne soit pas commerciale. Faire une toile pour qu’elle plaise, je ne sais pas le faire. Hélas, peut-être ; car j’ai toujours aimé l’argent pour le dépenser. Il y a malheureusement de moins en moins d’argent liquide. Et de plus en plus de paperasses. Mais ce que j’ai, c’est déjà beaucoup. Je n’ai jamais souffert de la crise, j’ai toujours vendu des tableaux. Plus ou moins cher. Vraiment pas cher en période de crise. Mais j’ai toujours vendu. J’ai honte de mes prix, mais ils sont normaux vis-à-vis du marché. Si je vaux ça, cela permet aux autres artistes de valoir quelque chose. J’ai des amis bons artistes inconnus, qui vendaient dans les années 80, pas cher. Aujourd’hui, seuls les connus, les valeurs sûres, vendent. C’est devenu difficile. Ça rame, ça rame chez les peintres. Quant aux graveurs, ils sont à genoux. Dans la merde. À présent, il existe une nouvelle race d’artistes, créant pour des riches plus riches que riches, les riches qui font flamber les prix de l’immobilier dans le centre de Paris. Cela me gêne. C’est du hard. Des millions de dollars pour quatre papillons collés par Damian Hirst, ou pour un Chinois qui fait du Erro en moins bien, c’est quoi ça ? Nous n’avons pas les moyens d’exister à côté. Inconsciemment, la très grande bourgeoisie s’est aperçue que même le golf se démocratisait. La seule chose qui lui restait pour qu’elle puisse être seule à l’avoir, c’était les œuvres d’art très très chères. Un ami, intellectuel, libanais, m’a récemment proposé, si son pays va mieux, de me faire exposer au Liban, pour que les hommes d’affaires locaux deviennent mes « passeurs » pour le Moyen-Orient. C’était très gentil, mais cela m’a gêné. Faire du fric vraiment, sans savoir qui achète ni ce qu’on fait, c’est ne plus avoir d’espoir. Et devenir tellement riche qu’on ne fait plus de tableaux. Si demain François Pinault arrive dans l’atelier et me demande dix toiles, est-ce que je vais refuser de les lui vendre parce que je suis contre la politique de sa collection ? En vérité, je n’en sais rien. Le pognon, je n’ai rien contre. Je lui vendrai peut-être en lui disant qu’il est un enfoiré. Le catalogue de la dernière exposition de sa collection à Venise était foireux, les textes, pseudo intello bidons, comme dit ma copine. La seule belle chose de l’expo, c’était le marbre du palais qui l’abritait.

  damien_hirst_virgin_mother "Virgirn mother" Damien Hirst

Comment garder son âme ?

Un minimum de son âme, de son esprit du début… Les soi-disant nouveaux artistes n’ont même pas un « esprit du début ». Personne ne parlait d’eux il y a dix ans. Ils n’ont ni commencement, ni fin. Rien que l’air à la mode. Dire tout cela dans Artension, c’est sans doute une manière garder son âme, mais c’est hélas marginaliser de tels propos , car  ils risquent d’être moins  pris aussi au sérieux que s’ils étaient publiés dans la Monde ou l’Express. Je regrette aussi que d’excellents articles comme ceux de Danchin sur les Ultra-riches et l’art contemporain, ou bien celui de Souchaud sur Buren, ne puissent être publiés dans ces journaux. Mais bon, l’histoire fouillera plus tard dans ce qu’on a marginalisé aujourd’hui. !!!

 

   

erro ERRO

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Commentaires
C
C'est la révolte qui gronde... En attendant j'ai toujours aimé Combas., Raynaud, Buren...etc <br /> bisous KOL
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