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LE BLOG DE FANFG
21 novembre 2008

REGNE DE L'ICONE ARTENSION 2005

         

Règne de l’icône et chosification de l’art

Par François Derivery

Pour comprendre la dérive iconisante et formaliste de l’art contemporain, il faut se rappeler la formule de McLuhan    « Le médium est le message ».
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Plus que jamais dans l’histoire, l’image est à distinguer aujourd’hui de l’icône. L’icône est ce signe unique, ce message simpliste et péremptoire fait pour capter l’attention, et qui détourne de la complexité des phénomènes et des processus. À l’inverse, l’image est analytique et narrative, elle se définit dans son rapport — qui n’est pas de reproduction mais de représentation et d’interprétation — à la réalité.

Une des conséquences de la montée en puissance du monosème est que la plupart des reproches adressées à l’image le sont en fait à l’icône, et dénoncent non pas l’ambiguïté ou la perversité de l’image en tant que telle mais bien son instrumentalisation à travers sa réduction à un signe unique, au sein d’une vie sociale, politique et culturelle de plus en plus réduite à une guerre de symboles.

L’art contemporain, dans son concept officiel, a institutionnalisé l’abandon de l’image au profit de l’icône et, en tant qu’ambassadeur des méthodes et de la philosophie d’un libéralisme conquérant, il veut imposer ce choix à toute la planète. Le fait que cet art consomme toujours plus d’images de toutes origines n’est qu’un apparent paradoxe. En effet, ces images — qu’elles soient « appropriées », « investies » ou simplement « prélevées » —, sont toutes soumises au même traitement, c’est-à-dire réduites à un signe unique. La technique est simple : sorties de leur contexte d’origine et injectées dans un autre contexte — en l’occurrence celui de « l’art » — elles perdent leur contenu référentiel et narratif pour être érigées en formes originaires sans fonction collective.

Cette version postmoderne de la théorie de l’art pour l’art — en faveur d’un art qui rejette « ce qui se réfère à autre chose que lui-même » —, se donne pour une continuation de l’art moderne. Mais l’art moderne, même ramené à Marcel Duchamp, lui-même réduit à ses seuls Ready-Made, n’a jamais tourné le dos à sa responsabilité sociale et signifiante. Par contre, le discrédit jeté sur le sens, que cette prétendue révolution formelle encourage, favorise la montée des obscurantismes.

Pour comprendre la dérive iconisante et formaliste de l’art contemporain, il faut se rappeler la formule de McLuhan « Le médium est le message ». Le message se réduit au médium, lequel est soustrait en tant que tel à la lecture déconstructive. Ainsi peut-on parler, dans la civilisation de l’icône, de crise de la représentation, ou de l’apparition de « représentations totalement émancipées de la réalité, libérées de l’imitation du monde ». 

C’est une des raisons pour lesquelles l’art contemporain thématise et radicalise la subjectivité, le soi-disant rapport direct de l’art à la vie, qui nie sa fonction de médiation. D’où la fortune du mot d’ordre « l’art c’est la vie », qu’avait anticipée Christopher Lasch  . Une « vie » en fait arbitrairement réduite au fait émotionnel brut. C’est dire à quel point cet art, dans sa guerre contre la signifiance, doit se définir sur la base d’un rapport de violence et dans la négation de l’autre. Au sein de la postmodernité artistique, le public a cessé d’être un partenaire pour devenir une cible.

Le moyen qui permet de surprendre ou de choquer, au-delà de toutes ses variantes et cas de figure, est toujours le même : il consiste à transporter un objet de son contexte d’origine vers celui de l’art. Déconnecté de sa propre réalité, l’objet paraît facilement insolite et cette qualité dérangeante peut être amplifiée et exploitée par le biais de techniques de mise en scène et de manipulation appropriées.

Alors que l’art moderne se comprenait comme un procès entre fond et forme inscrit dans la durée, l’art contemporain se donne d’emblée comme intangible, clos et définitif. La censure du sens, l’interdit qui vise la médiation du langage — lequel intervient pourtant, comme l’a montré amplement Freud, à la racine de la fonction imageante   — contribuent à isoler l’objet artistique dans un présent indéfini et factice, hors de toute référence à la temporalité collective. En même temps, l’escamotage du deuxième terme du procès artistique, la question du « fond », libère certes l’artiste des problèmes de maîtrise du sens, mais le condamne en même temps au rôle de représentant d’une idéologie et d’un système qui s’expriment à travers lui.

L’art dit contemporain, n’est plus une activité donnant naissance, dans l’incertitude et moyennant une prise de risque, à des objets ouverts, socialisés et socialisables.

C’est, de plus en plus, une activité qui s’efforce de produire, sans la moindre volonté de dissidence réelle, des objets finis et calibrés répondant à une demande économique et idéologique préexistante. Dans ces conditions, le rôle du discours institutionnel et critique officiel, aussi prompt à décerner des brevets de génialité et de profondeur aux œuvres les plus autistiques qu’à dénoncer les dérogations aux pratiques et aux comportements définis comme artistiquement corrects, ne peut pas être de contribuer à l’éclaircissement du débat, il ne peut être que de le rendre plus confus, et de faire diversion.

Devant la chosification de l’art, la nécessité s’impose de réhabiliter les pratiques.

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